“... Je ne crois pas avoir vu depuis le film L'empire des sens de Naguisa Oshima, oeuvre plus forte sur ce que la transgression de cette limite dans l'acte sexuel implique : ce morceau de chair arraché au partenaire, sa castration réelle, indicateur de ce qu'une femme peut vouloir réellement.
L'objet voilé sous la question de l'idéal de l'image de soi qu'on aime en l'autre se révèle pour ce qu'il est - derrière le fantasme, l'objet - lambeau de chair dont l'héroïne est désormais embarrassée pour ce qu'il ne peut plus lui faire signe, n'être plus un signifiant.
Son prochain, l'héroïne l'a approché infiniment dans cet "encore" exténuant où elle exige du petit autre cet impossible d'une érection qui ne cesse pas. En châtrant son amant, c'est sa jouissance à elle qu'elle vient border mais dans son geste criminel vient se porter ce coup qui l'anéantit en tant que femme. L'héroïne a basculé au-delà de l'amour humain en son fondement narcissique où ce que j'aime en l'autre est ce que je n'ai pas. De i(a) en a.
Elle a approché l'Autre, terrain nettoyé de la jouissance. C'est désormais avec son réel emmailloté qu'elle erre où elle affirme sa solidarité avec ce truc qui la représente, mais au prix de la folie qui désormais la guide et où elle trouve asile.
.../... n'est-ce pas cette part qui échappe à la représentation, ce trou dans la jouissance et les significations, signifiant du phallus imaginaire, représentant de la castration symbolique, que l'Art vient faire pulser dans son absence, sous la forme d'un tableau, d'une sonate, d'un poème ? ...”
Esther Tellermann, in Sur la sublimation, Séminaire d'été 2006, ALI, 27/09/2006
http://www.freud-lacan.com/articles/article.php?url_article=etellermann270906
L'Empire des sens (en japonais Ai no corrida, La Corrida de l'amour)
est un film franco-japonais de Nagisa Oshima sorti en 1976.
http://fr.wikipedia.org/wiki/L'Empire_des_sens
“... Abe Sada (Eiko Matsuda) est une jolie jeune femme, employée dans une sorte de salon de thé. A la suite d'une altercation avec la patronne, elle est remarquée un jour par le mari de celle-ci, Kichizo Ishida (Tatsuya Fuji). Elle devient sa maîtresse, puis prend carrément la place de l'épouse. Inséparables, ils se coupent petit à petit du monde pour savourer leur passion...
Le milieu de la décennie 70 a marqué la libération de la représentation sexuelle à l'écran. Lorsqu'on regarde aujourd'hui "La Ronde" (1964) de Roger Vadim ou certaines productions de l'époque avec Brigitte Bardot, qui étaient interdites aux moins de dix-huit ans, parce qu'un quart de sein apparaissait à l'écran, on ne peut que sourire. "L'empire des sens" est célèbre aujourd'hui encore pour son aspect provocateur. Celui-ci, il faut le reconnaître, n'a rien perdu, grâce à sa composition habile où se mêlent approche érotico-pornographique et art, de sa force et de sa démesure, malgré les "Baise-moi", "Anatomie de l'enfer", ou autres "Romance X". Dans les oeuvres de Catherine Breillat, le plaisir sexuel est quasiment écrasé par un psychisme auto-masturbateur. Ici, c'est dans l'action physique que se manifeste la dérive pathologique mentale des personnages. Ceux-ci s'adonnent à un étrange jeu du Yin et du Yang, dans lequel c'est l'homme qui devient une sorte d'objet sexuel, de pantin obéissant. Le réalisateur ne cherche pas à s'enfoncer dans le gouffre intérieur des protagonistes, à disséquer les motivations profondes. Comme un entomologiste, il observe les comportements, la répétitivité des gestes, les visages en quête d'absolu, les corps qui tentent désespérément d'atteindre un Nirvana impossible. Kichi passe progressivement de la situation de mâle dominant à l'état de proie soumise. Ada, inoubliable, tantôt enfant rieuse et spontanée, tantôt mante religieuse inquiétante et cannibale, s'enfonce, au-delà du simple plaisir, dans une sorte de fusion morbide, de désir perpétuel pathologique. Certes, l'ensemble est un peu long, d'une lenteur qui rend parfaitement tangible la plongée dans l'excitation permanente, dans l'oubli du temps, des rituels que sont la toilette, l'absorption de la nourriture, le besoin de sommeil. Mais le film conserve, trente ans après sa sortie, une aura magnétique qui grave chez le sepctateur le souvenir indélébile de ces amants quêtant dans la mort l'accomplissement d'une passion absolue.
Bernard Sellier, http://www.imagesetmots.fr/images/empire_sens1.jpg
André Masson,
Cache pour L'Origine du monde
de Gustave Courbet, 1955
http://www.pileface.com/sollers/plugins/zenphoto/amours/amours13_560M.jpg.php
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