17/06/2010
08/06/2010
generic flux: “Théorème”, exposition collective / group show 10.06. - 30.07.10 @ Galerie Bertrand Grimont, Paris
Guillaume Constantin,
John Cornu,
Vincent Dulom,
Vincent Mauger,
Aurélien Mole,
Jean-François Leroy,
Paul Raguenes.
THÉORÈME - VERNISSAGE MERCREDI 9 JUIN 18H_22H
John Cornu, verticales, bois et peinture noire, dimensions variables, 2010
Guillaume Constantin, dracula’s mountain, diasec, 40 x 26 cm, 2008
Guillaume Constantin, everyday ghost, fil électrique, lampe et feuille de métal, dimensions variables, 2010
Guillaume Constantin, idem, détails
Jean-François Leroy, sans titre, bois, placoplâtre et peinture, dimensions variables, 2010
Jean-Francois Leroy, vue d’atelier, bois, placoplâtre et peinture, dimensions variables, 2010 (détail)
Vincent Dulom, l09052103, impression à jet d’encre sur papier (épinglée), 152 x 152 cm, 2010
Aurélien Mole, hang it all, encre sur papier, épingles, dimensions variables, 2010
Aurélien Mole, up by hole, tirage baryté encadré, 38 x 45,3 cm, édition de 3
Guillaume Constantin, i’m so sorry. i’m so sorry. goodbye, sac en toile et tube pmma, dimensions variables, 2010
visuels / visuals courtesy galerie Bertrand Grimont
“La Science des Matériaux a permis de pousser toujours plus loin l’analyse de la matière, au point de parvenir à en reconstituer la structure, jusque dans ses moindres détails, aux moyens de combinaisons synthétiques toujours plus élaborées. Pour autant, c’est moins dans la perfection des atomes constitutifs de la matière que dans sa marge d’imperfection, dans ses défauts structurels, que réside depuis toujours l’intérêt des scientifiques. La conjonction d’éléments antagonistes, loin de répondre à une logique mathématique de l’addition, entraîne un phénomène de précipitation durant lequel les molécules en jeu se cristallisent pour former une structure nouvelle que les chercheurs désignent par sédiment. Autrement dit, la capacité irrévocable de la matière à se transformer pour passer d’un état à un autre.
L’exposition proposée à la Galerie Bertrand Grimont ne répond pas à une question clairement formulée dont elle en serait l’illustration. Fonctionnant sur un mode d’affinités électives, le choix des œuvres constitue moins le scénario d’une exposition qu’il évoque une structure moléculaire, à partir de laquelle le réel est mis à l’épreuve du regard, dans une suite d’oeuvres souvent contextualisées dont chaque élément éclaire le suivant. S’il faut trouver un point nodale autour duquel se déploie cette constellation de pratiques singulières, c’est sans doute dans l’intérêt commun des artistes pour la matière (physique ou picturale) et la manière dont ils parviennent à en développer un nouvel usage en élaborant des modalités qui leur sont propres. Détournements, combinaisons inhabituelles, reconstitutions, simulacres sont autant d’approches qui permettent à des matériaux en apparence familiers, d’être reconsidérés dans une forme temporairement cristallisée.
À ce titre, une pièce centrale d’Aurélien Mole, La structure du cristal, pourrait servir de point d’entrée dans l’exposition. En reproduisant sur calque une photographie représentant les vestiges du Crystal Palace construit pour l’exposition universelle de Londres en 1851, l’artiste se joue de l’appropriation des prémisses d’une modernité architecturale fondée sur la transparence, en accrochant, en vis-à-vis, l’image et son revers, comme dans un effet miroir opposant l’image à sa représentation. De la même manière, les Verticales de John Cornu déposées contre le mur de la galerie, évoquent les vestiges de tasseaux carbonisés sans en être réellement, l’artiste ayant pris soin d’en reproduire les effets de manière artisanale, en taillant le bois à l’aide des outils propres à la sculpture. La suite d’éléments, à la fois conçue selon un même principe d’érosion et cependant à chaque fois différente, échappe ainsi à tout phénomène de normalisation. Dans cette reconstitution artificielle du processus naturel de la combustion, se joue une sorte de mise en scène dont on peut en retrouver d’autres formes dans les œuvres de Guillaume Constantin. Avec Everyday Ghost, l’artiste s’attache à révéler le potentiel poétique des éléments du quotidien – en l’occurrence ici, d’une simple rallonge électrique. L’énoncé, reproduit par la torsion du fil électrique, évoque une pratique récurrente de l’art contemporain qui a fait de la réappropriation du néon (principal constituant de la communication commerciale) une catégorie à part entière.
De manière liminaire, le fil conducteur - et du courant et du message - s’achève sur le simulacre d’une bougie à la flamme vacillante.
Pour Dracula Mountain, il photographie le socle d’une bouteille d’eau en plastique, révélant ainsi un paysage de montagne, énigmatique, dont on ne saisit pas tout de suite l’origine. Comme par ricochet, la pièce de Vincent Mauger figure cette fois une topographie indéterminée, proche d’une modélisation informatique du paysage, constituée de courbes et d’alvéoles, à ceci près qu’elle a été taillée dans une structure en polystyrène habituellement utilisée pour protéger des bouteilles. Entre l’imagerie de synthèse et les matériaux synthétiques, se construit un double langage de la forme sur la matière employée, contredite par le procédé d’exécution.
Si la plupart des pièces ne dévoilent pas leur process, d’autres au contraire laissent apercevoir les strates d’un assemblage de couches successives que l’artiste choisit, à un moment donné, de stabiliser. Ainsi la sculpture, Archichrome de Paul Raguenes, comme l’installation Module / Etagère de Jean-François Leroy, composent à partir de matériaux hétérogènes une forme momentanément ou définitivement figée dont on peut néanmoins distinguer encore chacune des couches. L’association, chez l’un comme chez l’autre, de matériaux relevant d’une esthétique du chantier (tasseaux de bois brut pour le premier, plaques de BA13 pour le second), et le choix d’une finition soignée par l’utilisation du verre ou d’une peinture laquée pointe leur capacité à mettre en perspective des forces contradictoires, dans un jeu perceptif réfléchissant qui brouille le rapport de l’œuvre à l’espace. À l’instar du travail de Leroy, utilisant la peinture dans une forme installée pour mieux révéler la forme sculpturale, celui de Vincent Dulom, renvoie la peinture (dans sa production numérique) à ses potentialités sculpturales. L’aura diffuse qui constitue L09052103, rend impossible toute fixation du regard, soumis au brouillage d’un halo coloré toujours changeant. Paradoxalement, c’est par l’effet gazeux de la technique d’impression par pulvérisation d‘encre qu’il parvient à nous suggérer la possibilité d’une forme solide, tour à tour convexe ou concave, que le regard concourt à précipiter. La réalisation d’une peinture assistée mécaniquement par le biais d’outils de reproduction mécanique vient déjouer les thèses de Walter Benjamin sur la déperdition que la technique imposerait à l’œuvre authentique.
Comme pour pallier l’absence de toute figure humaine dans une exposition qui par ailleurs est exclusivement masculine, Up by hole d’Aurélien Mole, discrètement installée au fond de la galerie, présente la reproduction d’une affiche de Pin-up réalisée à l’aide d’un sténopé*. Au-delà de la boucle tautologique que forme le sujet avec la technique employée (les deux termes renvoient à deux usages d’un même outil : pour épingler l’image sur un mur d’un côté, pour laisser passer la lumière de l’autre), l’image plutôt sexiste que la Pin-up renvoie de la femme, est renversée par le statut même du sujet, rendu actif par l’appareil photographique qu’elle pointe sur celui qui la regarde.”
Christian Alandete
* En anglais « Pinhole », traduit littéralement par « trou d’épingle »
rappel / reminder: THÉORÈME - VERNISSAGE MERCREDI 9 JUIN 18H_22H
liens / links:
47 rue de Montmorency 75003 Paris
&
galerie Bertrand Grimont @ generic
05/06/2010
generic flux: “TOUT CORPS ...” : “99% Water” de / by Jennifer Lund @ Galerie Riff Art Projects, Paris
par Valery Poulet @ Transversales, blog partenaire generic.
"Tout corps plongé dans un liquide subit une poussée verticale dirigé de bas en haut, et d'intensité équivalente au poids du liquide déplacé…
Les corps de Jennifer Lund subissent tous la loi de la poussée d’Archimède, certains tentent d’y resister, d’autres se laissent flotter, dériver, … Corps d’hommes, corps de femmes aux attitudes diverses, certains repliés sur eux-mêmes, d‘autres en expansion, en symbiose… Mais aussi en résistance face à l’élément aquatique tel cet homme semblant relever le défi d’Archimède, le bras tendu, allure martiale de super héros, allure prométhéenne d’un instant de triomphe… Jennifer nous propose donc des corps plongés dans un élément qui n’est pas le leurs… L’élément aquatique, mais élément primordial, ne nous propose –t’elle pas une espèce de grand retour vers l’élément matriciel, vers cette liquidité amiotique originelle ?
Les attitudes de résistances, d’abandon, ou d’osmose ne sont-ils pas révélateur de nos attitudes quotidienne ?
Ces attitudes sont vu par le miroir déformant de l’eau… Les contours deviennent flous, se déforment, les membres se dédoublent… Deviennent ambivalent, la nudité n’apparaît plus dans toute sa crudité mais devient filtré par les effets de reflets, où se trouve la vérité des corps, où se trouve la vérité de l’image ? Jennifer Lund se joue ici de cette vérité ; avant d’entrer dans l’ère du soupçon, la photographie fut longtemps considérée comme un document fiable. La photographe nous donne à voir l’image et son reflet, nous plonge dans l’indistinction, s’amuse de la proximité de la photographie avec la réalité, qu’elle déforme à plaisir.
« La photographie est une machine à capter plutôt qu’à représenter. Capter des forces, des mouvements, des intensités, des densités, visibles ou non ; non pas représenter le réel, mais produire et reproduire du visible (non le visible) »
La photographie André Rouillé
Jennifer Lund joue avec ce principe fondamental de captation. Mais que voit-on exactement ? Est-ce bien cette homme ou cette femme que nous voyons ou est-ce son reflet ? Nous sommes comme pris dans la caverne où se projettent les ombres agitées. Pouvoir illusioniste de la photographie proposé dans cette série par la photographie. Voilà ce que nous voyons, le temps, le mouvement se retrouvent distordus. Dans les interstices du temps viennent se prendre et se suspendre les chatoiements liquides des mouvements.
Dominantes bleues et vertes, nudité des corps viennent renforcent cette impression irréelle d’atemporalité, cette suspension du mouvement et du temps… Le mouvement dure un temps et s’abolit dans le flottement... Finalement, comme Ophélia, morte, flottant au gré de l’eau, recouverte de sa robe d'éternité, nous ne sommes que "99% water"..."
"99% Water"
Jennifer LUND
Jusqu'au 3 juillet
48 rue Chapon, 75003 paris
par Valery Poulet
@ Transversales, blog partenaire generic.
lien / link generic:
generic flux: “99% Water” de / by Jennifer Lund @ Galerie Riff Art Projects, Paris
03/06/2010
generic flux: “Masahisa Fukase's Ravens”
"Bleakly atmospheric ... Koen-dori, Shibuya (1982) by Masahisha Fukase. Photograph courtesy of the artist"
"Kanazawa (1978) After the breakup of his marriage, Fukase began a 10-year obsession with photographing ravens. Widely seen as a symbol of dark and dangerous times, they seem to mirror his mournful mood
Erimo Cape (1976) In 1992, five years after the photobook was published, Fukase fell down a flight of stairs. He has been in a coma ever since
Photograph: Masahisa Fukase"Koen-dori, Shibuya (1982) Fukase's former wife, now remarried, visits him in hospital twice a month. 'He remains part of my identity – that's why I still visit him,' she says
"Masahisa Fukase's Ravens: the best photobook of the past 25 years?
Brooding and shatteringly lonely, the Japanese photographer's series on ravens has been hailed as masterpiece of mourning
The British Journal of Photography recently asked a panel of experts, including photographer Chis Killip and the writer Gerry Badger, to select their best photobook of the past 25 years. Surpisingly, perhaps, Nan Goldin's Ballad of Sexual Dependency, from 1986, came a close second to a much less well-known book, Masahisa Fukase's Karasu (Ravens), which was published the same year.
While Goldin's book is now widely regarded as a pioneering classic of the raw, confessional style of photographic memoir, Fukase's work is described by the BJP as "an obscure masterpiece". A Japanese first edition, originally published by Sokyu-sha, currently fetches around £2,000 on the collectors' market, up to twice that if signed by the author.
My copy is, as far as I can ascertain, a third edition, which was issued in a print run of 1,000 copies by the charmingly titled Rathole Gallery in 2008. Here, the English title is The Solitude of Ravens. In her afterword, Akira Hasegawa writes: "The depth of solitude in Masahisa Fukase's photographs makes me shudder". One can see what she means. It is a darkly fascinating and obsessive work that lodges in the mind.
Fukase's images are grainy, dark and impressionistic. Often, he magnifies his negatives or overexposes them, aiming all the time for mood over technical refinement. He photographs flocks from a distance, and single birds that appear like black silhouettes against grey, wintry skies. They are captured in flight, blurred and ominous, and at rest, perching on telegraph wires, trees, fences and chimneys. Fusake photographs them alive and dead, and maps their shadows in harsh sunlight and their tracks in the snow.
Although the visual narrative is punctuated by other mysterious images – a nude, fleshy masseuse, a malevolent-looking cat, windswept girls peering over a boat rail, a homeless man drinking in what looks like a municipal rubbish tip – it is the ravens that obsess Fukase. His vision is so stark, so relentlessly monochrome, that you cannot help but wonder what kind of hold they had on his imagination. In The Photobook: A History, Martin Parr and Gerry Badger suggest one possible reading: "One climatic image of silhouetted birds in formation, wings outstretched against a grainy sky, metamorphoses into a wire news service image of overheard warplanes – a significant and traumatic image for postwar Japan."
Ultimately, though, it seems that Fukase's 10-year pursuit of the ravens was a way of trying to make sense of an altogether more personal emotional trauma. One of the most illuminating reflections on the book I have come across is by the photographer Stacy Oborn, on her always-stimulating website, the Space In Between. In an essay entitled The Art of Losing Love, Oborn notes: "Fukase's best-known work was made while reeling from loss of love." She points out that Fukase began his pursuit of the ravens just after Yoko, his wife of 13 years, left him. "While on a train returning to his hometown of Hokkaido, perhaps feeling unlucky and ominous," she writes, "Fukase got off at stops and began to photograph something which in his culture and in others represents inauspicious feeling: ravens. He became obsessed with them, with their darkness and loneliness." The Solitude of Ravens, then, is a book of mourning. (Yoko, tellingly, was Fukase's main subject before he turned his camera on the ravens.)
Fukase was born in 1934 and belonged to a generation of Japanese photographers who came to prominence in the long psychological shadow cast by their country's defeat in the war. In the late 1950s, he worked in advertising to fund his artistic projects, which included two celebrated series of darkly graphic pictures, Oil Refinery Skies (1960) and Kill the Pigs (1961), the latter a brutal depiction of a slaughterhouse. In the mid-70s, he set up a photography school called the Workshop alongside Shomei Tomatsu and Daido Moriyama, both of whom have since become internationally celebrated.
Fukase, according to Yoko, was an intense and obsessive character despite the joyousness of the images he made of her. She described their life together as moments of "suffocating dullness interspersed by violent and near suicidal flashes of excitement." After they split up, he suffered from bouts of depression and heavy drinking. "I work and photograph while hoping to stop everything," he once said. "In that sense, my work may be some kind of revenge drama about living now."
In Japanese mythology, ravens are disruptive presences and harbingers of dark and dangerous times – another reason, perhaps, why the photographer was drawn to them during his darkest hour. In 1992, five years after the book was published, Fukase fell down a flight of stairs in a bar. He has been in a coma ever since. His former wife, now remarried, visits him in hospital twice a month. "With a camera in front of his eye, he could see; not without," she told an interviewer. "He remains part of my identity; that's why I still visit him."
None of this should impinge on a critical reading of Fukase's work, which is powerful and affecting even if you come upon it, as I did, without knowing anything of the biographical background that underpins it. Nevertheless, it is now hard for me to separate his life and his photographs. "In Ravens, Fukase's work can be deemed to have reached its utmost height and to have fallen to its greatest depth," writes Hasegawa in her poetic, unflinching afterword.
For all that, there is a dark, brooding beauty in these images that is singular and affecting. In The Solitude of Ravens, Fukase found a subject that reflected his darkening vision, and he pursued it with obsessive relentlessness. It remains his most powerful work, and a kind of epitaph for a life that has been even sadder and darker than the photographs suggest."
Sean O’Hagan