Survivance des lucioles
2009
144 p.
13 €
ISBN : 9782707320988
EAN13 : 9782707320988
blurb de l’éditeur / publisher’s blurb:
" Dante a, autrefois, imaginé qu'au creux de l'Enfer, dans la fosse des « conseillers perfides », s’agitent les petites lumières (lucciole) des âmes mauvaises, bien loin de la grande et unique lumière (luce) promise au Paradis. Il semble bien que l’histoire moderne ait inversé ce rapport : les « conseillers perfides » s’agitent triomphalement sous les faisceaux de la grande lumière (télévisuelle, par exemple), tandis que les peuples sans pouvoir errent dans l’obscurité, telles des lucioles.
Pier Paolo Pasolini a pensé ce rapport entre les puissantes lumières du pouvoir et les lueurs survivantes des contre-pouvoirs. Mais il a fini par désespérer de cette résistance dans un texte fameux de 1975 sur la disparition des lucioles. Plus récemment, Giorgio Agamben a donné les assises philosophiques de ce pessimisme politique, depuis ses textes sur la « destruction de l’expérience » jusqu’à ses analyses du « règne » et de la « gloire ».
On conteste ici ce pronostic sans recours pour notre « malaise dans la culture ». Les lucioles n’ont disparu qu’à la vue de ceux qui ne sont plus à la bonne place pour les voir émettre leurs signaux lumineux. On tente de suivre la leçon de Walter Benjamin, pour qui déclin n’est pas disparition. Il faut « organiser le pessimisme », disait Benjamin. Et les images — pour peu qu’elles soient rigoureusement et modestement pensées, pensées par exemple comme images-lucioles — ouvrent l’espace pour une telle résistance.
http://www.leseditionsdeminuit.eu...
+
...”Pour l'historien d'art Georges Didi-Huberman, qui mène une passionnante enquête sur la vision apocalyptique à l'intérieur de la pensée critique, c'est Walter Benjamin (1892-1940) qui a le mieux théorisé ce naufrage de la modernité. Avec la Grande Guerre, expliquait-il, "c'est comme si nous avions été privés de la faculté d'échanger des expériences". Benjamin témoignait de la sidération d'une génération "qui était encore allée à l'école en tramway hippomobile et se retrouvait à découvert dans un paysage où plus rien n'était reconnaissable". La crise des années 1930 ne fut pas seulement économique, mais également anthropologique. C'est pourquoi, tel un krach boursier, "le cours de l'expérience a chuté", concluait-il.
Innocence perdue
Mais un autre insurgé a encore davantage incarné la conscience de cette déflagration : Pier Paolo Pasolini (1922-1975). Le cinéaste et poète italien n'a cessé de s'en prendre au "génocide culturel" perpétré par le monde contemporain contre l'expérience humaine. Ainsi de l'anéantissement des pratiques populaires de l'Italie industrialisée des années 1960 et 1970. Une belle image représente cette perte : la disparition des lucioles de la nuit italienne, dont la pollution a éteint le scintillement lumineux, déplore Pasolini dans des écrits d'une rare intensité. La luciole symbolise ici l'innocence perdue, le désir qui irradie et illumine amis et amants au coeur de la nuit. Mais elle est aussi la métaphore d'une humanité en voie d'extinction. Pire, dans une société qui déifie les gloires clignotantes de la télé et qui "stéréotype" les regards, "il n'existe plus d'êtres humains", assure Pasolini, mais seulement "de singuliers engins qui se lancent les uns contre les autres". Ainsi le fascisme ne serait pas mort, il bougerait encore. Il se réaliserait même beaucoup mieux à travers une modernité qui troque les bruits de bottes contre le cliquetis des caisses enregistreuses. ...”
texte complet ici / full text here:
"Survivance des lucioles", de Georges Didi-Huberman : lueurs d'espoirs face aux lumières aveuglantes du pouvoir, par / by Nicolas Truong
http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/12/03/survivance-des-lucioles...
&
Autour de "Survivance des lucioles" de G. Didi-Huberman
“... “ Il y a trois jours, Paria et moi sommes descendus dans les recoins d’une joyeuse prostitution, où de grasse mamans (…) nous ont fait penser avec nostalgie aux rivages de l’enfance innocente. Nous avons ensuite pissé avec désespoir (…) La nuit dont je te parle nous avons dîné à Paderno, et ensuite dans le noir sans lune, nous sommes montés vers Pieve del Pino, nous avons vu une quantité énorme de lucioles qui formaient des bosquets de feu dans les bosquets de buissons, et nous les enviions parce qu’elles s’aimaient, parce qu’elles se cherchaient dans leurs envols amoureux et leurs lumières, alors que nous étions secs et rien que des mâles dans un vagabondage artificiel. J’ai alors pensé combien l’amitié est belle, et les réunions de garçons de vingt ans qui rient de leurs mâles voix innocentes, et ne se soucient pas du monde autour d’eux, poursuivant leur vie, remplissant la nuit de leurs cris. Leur virilité est potentielle. Tout en eux se transforme en rires, en éclats de rire. Jamais leur fougue virile n’apparaît aussi claire et bouleversante que quand ils paraissent redevenus des enfants innocents, parce que dans leur corps demeure toujours présente leur jeunesse totale, joyeuse. ” [...] “ Ainsi étions-nous cette nuit-là : nous avons ensuite grimpé sur les flancs des collines, entre les ronces qui étaient mortes et leur mort semblait vivante, nous avons traversé des verges et des bois de cerisiers chargés de griottes, et nous sommes arrivés sur une haute cime. De là, on voyait très clairement deux projecteurs très loin, très féroces, des yeux mécaniques auxquels il était impossible d’échapper, et alors nous avons été saisis par la terreur d’être découverts, pendant que des chiens aboyaient, et nous nous sentions coupables, et nous avons fui sur le dos, la crêt de la colline. ”
http://spectresducinema.blogspot.com/2009/12/survivance-des-lucioles...
&
Organisons notre pessimisme - Georges Didi-Huberman - Survivance Des Lucioles (Minuit, 2009), par / by Pedro Babel
http://www.paperblog.fr/2605317/organisons-notre-pessimisme...
&
Georges Didi-Huberman "Survivance des lucioles", Les lucioles ont-elles disparu ? Bien sûr que non..., par / by Eric Aeschimann, LIBERATION
http://www.arenberg.be/fr/5/article/56/Georges-Didi-Huberman-
&
Survivance des lucioles / Georges Didi-Huberman
http://lesilencequiparle.unblog.fr/2009/10/31/survivance-des-lucioles...
+
Séminaire des Lucioles: Alain Brossat / Georges Didi-Huberman / Mathilde Girard / Stéphane Nadaud
+
G. Didi Huberman sur P.P. Pasolini