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11/05/2010

generic, flux: “Karla” @ Birbeck College, Londres / London

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Le déshonneur d’un historien


Il n’a pas plagié l’un de ses maîtres, il n’a pas fabriqué de fausses archives, il n’a pas truqué de dates, il n’a pas falsifié des citations. Mais qu’a donc fait Orlando Figes qui le mette désormais au ban de sa corporation ? L’affaire a commencé il y a quelques semaines quand des critiques des livres de cet historien de 51 ans, professeur d’histoire russe au Birkbeck College (University of London), maintes fois primé, présenté comme le pionnier de la nouvelle histoire narrative, acclamé tant par la critique que par le public pour ses livres sur La Révolution russe. 1891-1924 : la tragédie d’un peuple (Denoël, 2007) et Les chuchoteurs. Vivre et survivre sous Staline (Denoël, 2009), sont apparus sur le site de la librairie en ligne Amazon.com.


Critiques et commentaires avaient ceci de commun qu’ils les louaient haut et fort tout en dégommant les travaux de ses collègues et rivaux, notamment Robert Service (Comrades), professeur d’histoire russe à Oxford et biographe de Staline, Lénine et Trotsky, Rachel Polonsky (Molotov’s magic lantern), qui enseigna à Cambridge, et la populaire auteur de romans historiques Kate Summerscale (The suspicions of Mr Whicher). Une sorte de publicité comparative systématiquement négative. Son effet était renforcé par des commentaires allant tous dans le même sens signés des pseudonymes “orlando-Birkbeck” ou “historian”. Tant et si bien que les intéressés se rebiffèrent en ébruitant l’affaire dans le milieu universitaire. Ce qui leur valut des courriels indignés d’Orlando Figes et, de son avocat, des menaces de poursuites devant les tribunaux pour dénonciation calomnieuse, assorties d’exigences en matière de droit de réponse.


Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car aussitôt après, l’avocat fit publiquement machine arrière en assurant que la propre femme de Figes, professeur de droit à Cambridge, avait posté ces commentaires ! L’affaire défraya la chronique du petit monde universitaire une semaine encore, la presse s’en faisant largement l’écho. Jusqu’à ce qu’hier, dans un entretien avec le Daily Mail, l’historien fasse son mea culpa, révélant être l’auteur de tout, critiques et commentaires, et présentant ses excuses à ses collègues, à sa femme, à son avocat. Il a juste oublié les lecteurs qui achètent ses livres en ligne en faisant confiance aux opinions exprimées sur le site bien que ce soit par excellence un lieu de manipulation et d’intoxication. Eux ne l’oublieront pas. Mais on peut aussi se demander pourquoi Amazon, qui identifie précisément à chaque fois les internautes qui postent des critiques, leur permet de signer d’un pseudonyme. L’affaire Figes sera aussi l’occasion de s’interroger sur la précipitation d’un universitaire à saisir la justice quand il a maille à partir avec ses collègues. Et, partant, sur ses propres méthodes : le grand déballage a commencé puisque d’autres de ses collègues révèlent maintenant qu’il a toujours été léger, voire désinvolte, dans la citation de leurs livres qu’il avait manifestement bien lus…


En attendant, le mal est fait. Pour eux et surtout pour lui. Sa réputation est désormais entachée, sa crédibilité remise en question, pour ne rien dire du jugement moral qu’entraînera immanquablement son attitude. La casserole risque de résonner longtemps encore. On doute que le Guardian, la London review of books et la New York review of books, qui sollicitaient régulièrement ses articles critiques, prennent le risque de continuer :”Il ne lui restera plus que le forum d’Amazon !” prédit M.A.Orthofer. D’autant que Orlando Figes avait envoyé des courriels à nombre d’historiens britanniques de sa spécialité pour jouer les indignés.


Ce qui le fit craquer, ce fut probablement d’apprendre que l’une de ses cibles, Rachel Polonsky, avait loué les services d’un expert en informatique, lequel avait réussi à localiser l’origine du charivari “sous le toit des Figes”. Ce qui eut pour effet de faire décoller son livre à elle sur la liste des meilleures ventes d’Amazon, heureux effet collatéral… L’étau se resserrait, comme les soviétologues commencèrent à le décrypter à un signe : lorsqu’ils lurent dans les courriels de Figes qu’il exigeait d’être équitablement traité “dans l’intérêt de la glasnost”, la transparence, comme on disait à Moscou à la fin des années 80 du temps de Gorbatchev. Ce qui était tout de même too much pour être honnête.”


par Pierre Assouline

source: La République des Livres


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