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08/10/2009

generic, flux: "actualités de la recherche en histoire visuelle"






























source illustration (dissociée de l'article ci-après)



" La retouche ne tue pas


En moins d'une dizaine de jours, la proposition de loi de Valérie Boyer pour une police de l'apparence a réussi à faire l'unanimité contre elle. La première pétition contre la mention "Photo retouchée" vient de faire son apparition sur Facebook, lancée par le site PixelArtese – qui fait remarquer non sans à-propos que la stigmatisation de la retouche risque d'entrainer des effets contraires à ceux recherchés, en poussant «les jeunes filles, modèles et mannequins à pratiquer des régimes les plus stricts». Bien joué!


En gros, tout le monde s'accorde sur le diagnostic: oui, il existe bien un "diktat de la minceur", un modèle idéalisé excessif, reproduit par tous les canaux des industries culturelles. Mais le remède ne convainc pas. Scepticisme devant l'efficacité du "message préventif", impossibilité matérielle d'appliquer le texte (comment effectuer les vérifications?), moqueries face aux pratiques iconographiques des politiques (tous les premiers commentaires citent l'abondante retouche de l'anatomie présidentielle): les arguments sont nombreux et mettent en cause la capacité de la loi à agir sur un tel dossier.


Problème passionnant. Si diktat il y a, est-il impossible d'agir contre? L'inversion radicale de l'attitude face au tabac, en l'espace d'une vingtaine d'années, prouve au contraire que l'action administrée peut modifier les comportements en profondeur. Mais la comparaison s'arrête vite en chemin. Outre l'ampleur du dispositif mis en place, il y a une différence essentielle: le tabac tue. Il a fallu de nombreux travaux scientifiques pour le démontrer de façon certaine, et c'est sur cette base positive que la loi Evin a pu s'élaborer. La manipulation des images peut-elle entraîner des conséquences aussi graves? Si la députée mobilise le cas limite de l'anorexie, c'est bien pour produire cette équivalence: comme le tabac, la retouche pourrait tuer. Mais en l'espèce, c'est peu dire qu'elle s'avance à l'aveuglette – du côté de l'anorexie, dont personne ne connait véritablement les causes, comme du côté de l'influence des images, qui est plus un cliché de comptoir qu'une notion scientifiquement établie. Si le précédent de la lutte contre la cigarette sert de modèle à la proposition de loi, il y a une disproportion manifeste entre les moyens envisagés et la réalité d'un problème qui est loin d'être établi.


En fait, la réaction publique dit même exactement le contraire. L'émotion suscitée par le texte alors que celui-ci n'est même pas encore en discussion le montre: Valérie Boyer a touché a l'équilibre de notre imaginaire. Dans ce monde-là, nous savons bien que les représentations sont truquées. Mais c'est précisément cela que nous apprécions. C'est pour le chic et le glamour que nous achetons des magazines, pas pour y apercevoir notre voisine de palier. Personne ne croit aux fictions publicitaires, mais nous aimons leur caractère décoratif. Le job des industries culturelles n'est pas de nous mettre face à la réalité, mais d'offrir de l'évasion et du rêve. En d'autres termes, coller un avertissement sur les photos améliorées reviendrait à appliquer la mention "Attention: fiction!" sur la couverture de tous les romans. Et surtout: ce monde idéal, peuplé de dieux et de déesses au charme et aux mensurations inaccessibles, nous y tenons. Pas question de brûler Hollywood parce qu'on n'y produit pas exclusivement des documentaires. La part de fiction est ce supplément d'âme nécessaire à nos vies.


Un autre symptôme que fait apparaître ce faux-pas législatif est la perte de crédibilité du politique. En matière de mensonge, disent de nombreuses réactions, c'est l'hôpital qui se moque de la charité: faudra-t-il désormais assortir la photo de Luc Chatel du label: "homme politique à sincérité modifiée"? Ce que ressentent plusieurs commentateurs, c'est que la proposition de Valérie Boyer appartient justement à cette gamme, encouragée par le sarkozysme, de lois pour la frime dont les conséquences réelles sont nulles ou négligeables, mais qui visent des bénéfices essentiellement politiques ou symboliques. Devant l'activisme de la députée (12 propositions de loi depuis 2007), on se prend à rêver à une mention applicable à la plupart des projets de la législature: "loi garantie sans effet sur la réalité sociale". "


Par André Gunthert, vendredi 25 septembre 2009


(nos emphases)


source, avec gratitude


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